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que

morale rien ne peut être réduit en démonstration. Cela est aussi faux de la morale en elle-même d'aucune des méthodes connues dans les classes de philosophie, quelle qu'en puisse être l'imperfection. Je réponds à sa pensée comme à ses paroles; car si celles-ci ne se rapportent qu'à la méthode, celle-là indubitablement se rapporte à la morale même. Le Code entier ne laisse là-dessus aucun lieu à l'équivoque.

Passerons-nous sous silence un homme tel que · Hobbes placé sur la même ligne avec les Bacon, les Montesquieu, etc.? Puisque Diderot n'en a pas craint la honte, il faut la lui faire tout entière. Tout ce qu'il y gagnera, c'est que vous verrez qu'avant lui, dans le dernier siècle, il y eut en effet un écrivain anglais qui aurait pu revendiquer sur Diderot la primauté de beaucoup de paradoxes impudemment absurdes et pervers. Vous allez juger sur-le-champ si les qualifications sont trop fortes. Quelques lignes fidèlement extraites de ce Hobbes vous feront comprendre quels axiomes lui ont valu l'estime de Diderot. « Le » vrai et le faux ne sont que des mots dont nous » ne pouvons constater la réalité... Il n'y a au>> cune propriété légitime... Il n'y a rien qui soit »> naturellement juste ou injuste... Tous ont na>>turellement droit sur tout..... Le droit naturel >> n'est autre chose que la liberté d'user à son gré » de ses moyens de considération, etc., etc..... »

pas

Voilà, messieurs, quelques-unes des bases de la philosophie de Hobbes. Vous conviendrez qu'elles sont éminemment révolutionnaires, et peut-être serez-vous surpris que le nom d'un philosophe de cette force n'ait pas retenti chaque jour dans nos harangues et nos feuilles patriotiques, qu'il n'ait pas été un des apôtres dont on citait les oracles, que son portrait ne soit pas à la convention, et qu'on ne lui ait pas au moins décrété une rue de son nom, comme à quelques autres qui en vérité ne le valaient pas, et qui n'ont fait que le répéter. Un seul mot vous expliquera le sujet de votre surprise. Hobbes a écrit en latin, et il n'y en a de traduction connue. Or, vous savez que l'érudition de nos patriotes ne s'étendait pas communément jusqu'au latin; et de plus, Hobbes ne s'était pas fait un devoir, comme nos philosophes, de se mettre à la portée de l'ignorance, afin de propager la vérité. Il est abstrait, et même profond, comme on peut l'être en athéisme et en immoralité, c'est-à-dire qu'il va très-avant dans le faux, et qu'il bâtit très-savamment sur des abîmes et sur des nuages. Il fut proscrit tour à tour en Angleterre et en France; mais il mourut tranquille sous la protection de Charles II, par deux raisons d'abord, parce qu'il avait enseigné les mathématiques à ce prince lorsque tous deux étaient également réfugiés à Paris; ensuite, parce que, dans son livre intitulé de Cive (du Citoyen ),

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il avait poussé les droits de la monarchie jusqu'au despotisme; car cet homme, qui avait un esprit si indépendant, avait le cœur esclave. Tous nos prédicateurs de matérialisme et d'impiété l'ont mis largement à contribution, et ne s'en sont pas

vantés.

L'auteur du Code ne s'écarte de Hobbes qu en un seul point: celui-ci soutient que l'homme est essentiellement méchant; il définit le méchant un enfant qui a de la force: Homo malus puer robustus. Ce mot, qui est ingénieux et vrai en un sens, est en lui-même, et bien entendu, la réfutation de l'auteur qui l'a dit. Il est bien vrai qu'il ne manque à l'enfant que de la force pour faire beaucoup de nial; mais pourquoi? c'est que sa force ne serait pas réglée par la raison; et si le méchant, avec toutes ses forces et toute sa raison, abuse des unes, c'est qu'il n'écoute pas l'autre. Mais à qui la faute? A sa volonté sans doute, et non pas à sa nature, puisque celui qui obéit à cette raison dans l'emploi de ses forces s'appelle bon, comme l'autre s'appelle méchant. Il n'y a donc là rien d'essentiel de part ni d'autre, si ce n'est la faculté de suivre ou de ne pas suivre la raison, faculté qui n'est autre chose que la liberté de l'homme. Ce raisonnement est sensible pour tout le monde, et surtout pour ceux qui savent la valeur du mot essentiel dans la langue métaphysique. Mais c'est ici encore, puisque j'en ai l'occa

sion, que je dois faire voir dans l'Évangile cette métaphysique sublime qui n'est méconnue que par l'ignorance. C'est là que sont toutes les vérités premières, pour qui les y cherche de bonne foi. Jésus-Christ, qui ne voulait pas faire des docteurs, n'a pas donné ses leçons dans la forme des Traités de philosophie, comme le voudraient ceux qui regardent comme au-dessous d'eux d'étudier ou d'entendre la sienne. Il a dit au cœur humain tout ce qui était nécessaire pour l'attirer à la foi par l'amour, et il s'est mis alors à la portée des plus simples, à qui cette lumière suffit comme à tous. Mais en même temps il a semé dans ses discours divins le germe des vérités les plus hautes, pour ceux qui seraient capables de les apercevoir, c'està-dire, pour ceux qui n'obscurciraient pas leur propre jugement par l'orgueil. Je vais en citer un exemple qui n'étonnera que ceux qui n'ont jamais cru que l'Évangile méritât d'être approfondi, mais qui les étonnera au point qu'ils n'auront rien à y répondre. Ce n'est point m'écarter de mon sujet; car l'explication des paroles de JésusChrist, philosophiquement démontrée, sera la réfutation de deux erreurs tout opposées : celle de Hobbes, qui prétend que l'homme est méchant par sa nature, et celle de Rousseau et de Diderot, qui soutiennent qu'il est naturellement bon. Nous détaillerons dans la suite, à l'article de Rousseau, comment et pourquoi la dernière de ces deux er

reurs était la plus pernicieuse, et a dû faire plus de mal que l'autre, quoiqu'elle se présente sous un aspect beaucoup moins repoussant. Mais je ne veux d'abord considérer, dans les deux thèses, que le principe, dont je prouverai la fausseté d'après les paroles de Jésus-Christ. Quelqu'un, s'adressant à lui, l'avait appelé bon Maître, Magister bone. Jésus-Christ, ne parlant ici que comme homme et comme simple envoyé de Dieu, répond: « Pour

quoi m'appelez-vous bon? Il n'y a de bon que Dieu seul. Non est bonus, nisi solus Deus. » Il est d'abord évident qu'il s'exprime ici dans toute la rigueur philosophique; car, dans le langage usuel, lui-même admettait, comme tout le monde, la distinction des bons et des méchans. Mais comme toutes ses paroles sont faites pour être méditées, et qu'il n'y en a pas une qui ne tende à nous instruire, il nous est permis de chercher dans celle-ci tout ce qu'elle contient; et si nous n'y voyons rien qui ne rentre dans sa doctrine et dans l'esprit des mystères de notre religion, nous pouvons être sûrs de ne pas nous tromper. Voici donc ce qui est contenu dans cette proposition du maître de toute science.

Celui-là seul est réellement et essentiellement bon qui est bon par lui-même, c'est-à-dire dont la bonté est renfermée dans l'idée de son essence, tellement qu'il est bon, parce qu'il est lui, et que, s'il n'était pas bon, il ne serait pas. Cela n'appar

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