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pas, qui ont eu le bonheur de leur survivre et le malheur de les justifier.

A l'égard du Code, ce qui est certain, c'est qu'il est imprimé dans la Collection des OEuvres de Diderot, en cinq volumes in-8°., titre d'Amsterdam, depuis 1773, et que Diderot, qui n'est mort qu'en 1784, n'a jamais désavoué ni l'édition ni l'ouvrage. Les auteurs du dernier Dictionnaire historique, généralement fort exacts et fort instruits dans tout ce qui regarde les faits de l'histoire littéraire, n'ont fait nulle difficulté de mettre le Code de la Nature au nombre des productions de Diderot; et si quelqu'un alors eût regardé la chose comme douteuse, il n'aurait pas manqué d'en parler. On se contente de nous dire depuis quelques jours: Il n'est pas de lui 1. Où est la preuve qu'on oppose à l'authenticité de la Collection connue de tout le monde, au silence de l'auteur et de ses amis, et de tout le monde, même depuis sa mort? Que ne donne-t-on du moins quelques indices de la supposition? Que ne nous dit-on de qui est l'ouvrage, de qui du moins il pourrait être, ou comment et pourquoi il n'est pas ou ne saurait être de Diderot? Pas un mot de tout cela. Et qu'est-ce qu'une dénégation si sèche et si gratuite, surtout dans un partí à qui l'on sait que les dénégations et les désaveux n'ont

↑ Journal de Paris. On l'attribue à M. Morelly.

jamais rien coûté, et dont la politique, plus d'une fois avouée par eux-mêmes et avec satisfaction, est de se jouer de la vérité? Le moment où vient cette dénégation si tardive suffirait pour la faire suspecter par elle-même. Elle serait venue plus tôt, si c'était du moins honte ou scrupule aujourd'hui c'est embarras, et rien de plus. L'accord parfait de Babœuf avec Diderot a paru difficile à sauver, parce que aujourd'hui Baboeuf est dans les fers, et que l'opinion n'y est plus. Dans ces circonstances, une voix qui parle à l'opinion peut être à craindre. Mais si c'était le contraire, si l'opinion et la voix étaient encore captives, et que Babœuf fût le maître, songerait-on à désavouer le Code? Pas plus qu'on n'y a songé auparavant. Babœuf a tort dans nos feuilles, parce qu'il a été le plus faible au camp de Grenelle, et ceux qui ont été ses condisciples sous les mêmes maîtres n'ont-ils pas bonne grâce de s'élever contre lui? Ce tribun du peuple, à la tête de toute la vaste secte sans-culottique, pourrait leur répondre de manière à les réduire au silence, en adressant ainsi la parole à la vaste secte des philosophes « Vous vous y prenez trop tard » pour désavouer ceux qui n'ont fait qu'exécuter

1 C'est le titre que prenait Baboeuf, et l'on peut bien croire qu'une vaste secte est de son style. Aussi, ceux mêmes qui se croient obligés de condamner aujourd'hui ses opinions sans-culottiques, di ent encore qu'il écrivit avec génie.

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» ce que vous n'aviez fait que penser, et qui par conséquent valent mieux que vous, comme le Spartiate valait mieux que le discoureur. Ce qu'il a dit je le ferai. Nous sommes même plus avan» cés, car ce que vous avez dit nous l'avons fait. Ce » n'est pas seulement Diderot ou l'auteur du Code » de la Nature, quel qu'il soit, qui a dit que la » méchanceté de l'homme n'était pas dans sa »> nature, mais dans ses institutions sociales et politiques; c'est Rousseau qui a fait un livre >> entier pour le prouver. Ce n'est Ce n'est pas seulement >> Diderot ou l'auteur du Code qui a dénoncé au » genre humain la propriété comme le fléau du >> monde et l'origine de tous ses maux et de tous » ses crimes, c'est encore Rousseau; et Rousseau » est au nombre de vos dieux. Ces mêmes dogmes » ont été soutenus dans vingt autres ouvrages » très-connus, quoique leurs auteurs le soient

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moins; et après tant de longs traités si soigneu»sement multipliés pour nous apprendre que la propriété était le crime des législateurs, que la >> communauté des biens et le nivellement absolu étaient le vœu et la loi d'une nature sage et » bienfaisante que nos seules institutions avaient >> corrompue; après que vous avez appelé si sou>> vent et si haut un ange exterminateur pour ré>> parer ces longues erreurs des nations 1, mettre

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'Je n'ai pas besoin de dire qu'ici tout est copié mot à

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» fin aux préjugés, et régénérer le monde ; avons»> nous pu avoir une plus belle et plus noble am»bition que d'être les premiers précurseurs de » cet ange, et de faire au moins en France ce qu'il doit faire un jour dans tout l'univers? Mais. qui veut la fin veut les moyens; et, pour réali>> ser ce qui n'était qu'en théorie dans cette philosophie interprète de la nature, ne fallait-il pas » écarter tout ce qui naturellement faisait obsta>>cle à cette juste et glorieuse entreprise? Quand » on est appelé à fonder la raison et la vérité, à » détruire des erreurs si funestes au genre hu» main, n'est-ce pas à la fois un droit et un de>> voir d'exterminer tous ceux qui sont, par leur » état, par leur éducation, par leur rang, par >> leur fortune, par leur religion, par leurs talens, » leur considération, leurs lumières, les ennemis >> naturels de cette raison bienfaitrice, et les fau>>teurs de ces erreurs oppressives? Or, est-ce no» tre faute, si, en voulant faire tout rentrer dans » vos principes, nous avons rencontré sur notre » passage tout ce qui avait un rang, une fortune, » de l'éducation, des talens, de la religion, de la

mot dans les ouvrages de nos philosophes. Si les phrases ne sont pas marquées en italique, c'est qu'elles sont extraites d'une foule de livres où elles sont répétées à satiété, et où tout le monde a pu les lire. C'eût été perdre un temps précieux que de spécifier ici les citations. Je n'y manque jamais quand je réfute un auteur en particulier.

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» considération et des lumières? Le massacre est » vaste, soit: mais qu'est ce qu'un grand massa>> cre devant un grand principe? Si l'un vous fait >> chanceler sur l'autre, c'est que vous n'avez pas » notre énergie; et on ne nous ôtera pas notre énergie 1. Qu'est-ce donc que toute une géné>> ration devant la postérité tout entière jusqu'à » la consommation des siècles? Tant pis pour qui >> regarde aujourd'hui en arrière, et vient nous » dire stupidement que nous avons été trop loin. >> Malheur à qui rétrograde en révolution! c'est » là ce qui perd tout. Si l'on eût laissé faire Ro>> bespierre, qui n'avait encore fait périr qu'envi>> ron cent mille personnes sous la hache na» tionale, et qui allait frapper le grand coup, le » coup républicain, il n'y aurait plus en France >> que les sans-culottes ; la patrie était sauvée, » et la terre était libre. >>

Je sais bien ce que tout autre qu'un de nos philosophes pourrait répliquer à cette apologie: cela serait très-facile pour tout le monde, mais impossible pour eux. Vous en serez encore plus convaincus en écoutant le Code.

L'auteur établit, pour première base de sa doctrine, qu'il y a eu dans le monde une première

1

Propres paroles d'un jacobin, conduit à un comité de police pour quelques prédications patriotiques vers la fin de 1794, où l'on commençait à en être las. En attendant qu'on l'interrogeât, il jette les yeux sur une feuille

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