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Quant au rang que donne l'auteur à la physique après la religion et la morale, sans doute il n'a pas voulu dire qu'il fût aussi essentiel d'être physicien que d'être éclairé sur la religion, qui est le fondement de la morale. Quoique dans sa concision rapide il ait négligé de s'expliquer suffisamment pour qu'on n'abusât pas de ce rapprochement des trois choses qu'il nomme essentielles, il parait trop sensé en cet endroit pour que l'on puisse lui imputer cette erreur. On voit d'ailleurs, dans le contexte de ce même passage, que ce qu'il marque comme essentiellement usuel dansla physique, c'est l'avantage général d'entrer dans les procédés ou les matériaux de tous les arts d'utilité ou d'agrément.

Il observe, et avec vérité, qu'excepté les sciences de pur calcul, telles que l'arithmétique, la géométrie, l'algèbre, qui traitent des quantités et des grandeurs abstraites, toutes les autres sont plus ou moins dépendantes des faits. « Ce sont les » choses de fait qui font naître les idées. Sans la >> connaissance des faits, c'est une nécessité que >> l'on raisonne faux ou en l'air, comme on le voit » trop souvent, même avec ce qu'on appelle de l'esprit ; et au contraire, plus on a de faits, plus » il est aisé de juger, puisqu'on a plus de pièces >> de comparaison; et plus on combine, mieux on » se décide, mieux on agit. »

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Diderot ne songeait guère que ce qu'il écrivait

là était la condamnation formelle de cette prétendue philosophie qui est si souvent la sienne, et qui, comptant pour rien les faits en tout genre, ne bâtit jamais qu'en hypothèse. La nature de l'homme, ce qu'il est par lui-même, et ce qu'il à été dans tous les temps, ce sont bien là des faits, et des faits à combiner avec ce qu'il peut être en mieux, afin de juger à quel point et en quoi ce mieux est possible, et de se bien décider pour bien agir. C'est pourtant là ce qu'ont oublié, mais complétement oublié, tous ces arrogans sophistes qui, depuis si long-temps, ne nous parlent que de refaire l'homme. Eh! plats charlatans, essayez d'abord votre science sur vous-mêmes; táchez au moins de vous refaire: il y aurait de quoi, si cela vous était possible. Un de leurs disciples ne vient-il pas de nous dire en propres termes « Ce n'est pas seulement une révolution politique >> que nous avons voulu faire : nous avons voulu » recréer l'entendement humain, changer les

1 Dans le journal intitulé Clef des Cabinets.

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2 Il est bon de remarquer, ce que j'ai déjà remarqué en plus d'un endroit, le danger des métaphores follement. outrées. C'est Thomas qui le premier se servit de cette hyperbole insensée dans l'éloge de Descartes, qui, selon lui, recréa l'entendement humain. Thomas ne se doutait pas que cette mauvaise figure de style, cette vicieuse exagération, serait un jour prise à la lettre, comnie bien d'autres; car, il ne faut pas s'y tromper, elle est ici dans

» idées, les opinions, les sentimens, les mœurs, » les coutumes, etc. » Vous l'entendez, recréer l'entendement humain ; et au dix-huitième siècle! Il faut le lire pour le croire; et, pour croire qu'on l'ait pensé et voulu sérieusement, il faut toute notre révolution. Mais qu'après cette révolution même on n'en soit pas encore revenu! que ce soit la huitième année de cette révolution qu'on en soit encore là !... grand Dieu! vous avez bien raison de détester l'orgueil : il est bien horriblement incorrigible. Recréer l'entendement humain ! Et le commentaire qui suit, et où l'auteur développe toute l'étendue de la démence contenue dans ce peu de mots, comme s'il eût craint qu'on ne l'aperçût pas ! Certes, on ne dira plus désormais un orgueil diabolique, un orgueil infernal on dira un orgueil philosophique, un orgueil révolutionnaire. Il est bien prouvé que celui-ci est fort audessus de celui des démons. Les démons ne veulent du moins que le mal qu'ils peuvent faire; mais nos philosophes veulent même celui qu'ils ne peu

un sens rigoureux, et l'auteur n'a pas voulu qu'on s'y méprit. Le fait d'ailleurs est d'accord avec les termes, et l'esprit de la révolution, quand elle a changé le langage à force ouverte et sous peine de la vie, était bien véritablement de changer les idées, si cela eût été possible; de refaire la pensée, de donner à l'homme un autre entendement: et ils n'y ont pas renoncé ; ils le veulent encore plus que jamais, et jusqu'au dernier moment.

vent pas, que personne ne peut; et sans les philosophes j'aurais cru que; depuis qu'il a plu à Dieu de créer l'entendement humain, il n'y avait que le père éternel des Petites-Maisons qui fût de force à le recréer.

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Mais cependant qu'ont-ils effectué de ce qu'ils se vantent encore de vouloir? et à quoi ont-ils réussi? A pousser la méchanceté humaine plus loin, beaucoup plus loin qu'elle n'avait encore été, c'est-à-dire, à rendre plus méchant ce qui déjà était méchant, à intimider ce qui était faible : voilà tous leurs succès. Mais d'ailleurs on a eu beau torturer en tout sens la nature pour la révolutionl'homme est resté ce qu'il était. Vainement comprimée et défigurée un moment à l'extérieur, la nature a bientôt reparu de tous côtés; elle a jeté et foulé aux pieds les masques hideux qu'on lui avait mis de force, et partout elle reprend ses traits et sa physionomie; elle n'a point changé et ne changera point. Ses oppresseurs philosophes ne peuvent étouffer sa voix par les cris de rage qu'ils ne cessent d'élever contre elle, et ces cris ne font qu'attester l'impuissance de leurs efforts. Déjà leur place n'est plus tenable dans l'opinion: c'est dire assez que bientôt ils n'en auront plus aucune. Revenons, et continuons à nous édifier avec Diderot cela n'est pas commun, et il faut en profiter. « J'observe que la religion, la morale et la phy» sique, c'est-à-dire, toutes les vraies sciences, ont

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>> en effet chacune trois parties bien distinctes » dont la première est le fondement de la seconde, » et celle-ci le principe de la troisième, savoir :

l'histoire, c'est-à-dire, le recueil des faits relatifs. » à la chose, et qui servent de matériaux à l'es>> prit; la théorie, qui combine ces faits, en cherche >> les raisons, et en déduit la chaîne des axiomes » et des règles; la pratique, qui, munie de ce. » secours, opère avec sa lumière, et doit être le » principal et dernier but de toute étude sensée........

» L'histoire de la religion a deux parties, celle » du peuple de Dieu, laquelle remonte à l'origine >> des siècles, ce que n'a fait aucune autre histoire, » et celle de l'Église, qui, remplaçant ce peuple » proscrit, ne finira qu'avec le monde. L'une con» tient les faits, les lois et les oracles qui ont pré» paré la venue du Messie; l'autre nous montre >> la loi éternelle et immuable, établie par le Messie » et les apôtres, avec l'oracle toujours subsistant » dans l'Église, qui explique ses mystères et con» sacre sa doctrine. Les monumens authentiques » de cette histoire sont, d'une part, les livres sacrés de l'Ancien et du Nouveau-Testament; et » de l'autre, les décisions des saints conciles géné» raux, et les traditions unanimement reçues des >> anciens pères. On y ajoute la suite de la disci»pline, des rites et des établissemens divers, >> moins essentiels, sans doute, puisqu'ils peuvent changer, mais qui constituent spécialement l'his

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