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l'étymologie latine du mot ', et ce qui est assez prouvé par son acception universelle. Or appliquez cette définition, dans tous ses points, à Dieu et à la morale, vous verrez que l'un peut seul

donner la sanction à l'autre.

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Comment l'homme la lui donnerait-il? Où est son droit et son pouvoir pour sanctionner les lois naturelles ? - Sa raison. Depuis quand la raison d'un homme peut-elle commander à celle d'un autre? - Elle peut prouver. · Peut-elle commander de se rendre à la preuve ? Il faudrait pour cela deux choses qui ne sont pas ; que la raison de tous les hommes fût de la même force, et qu'elle fût une puissance habituelle sur tous les hommes. Mais les passions, les erreurs et l'ignorance, les mettez-vous de côté? - Un peuple peut se faire, par besoin, des lois positives, ou les recevoir d'un législateur; et la sanction est dans la puissance publique et la volonté générale. -Fort bien; c'est la théorie probable des gouvernemens primitifs : mais, quoique ces lois positives soient des conséquences plus ou moins imparfaites des lois naturelles, combien elles en diffèrent par leur nature! Autant que la conscience diffère des actes extérieurs. Des lois positives peuvent régler ceux-ci; que peuvent-elles sur la

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1 Sancire, passer en loi, ordonner légalement. Populus sanxit, le peuple a ordonné, disait-on à Rome, parce que l'autorité du peuple faisait la sanction.

gance

corscience? Rien, absolument rien. Et combien l'homme est plus souvent seul avec sa conscience, qu'en présence de la loi ! Tout l'homme est dans le cœur c'est une vérité éternelle, et le cœur est-il du domaine de la loi? Ah! cette haute extravadevait exister une fois dans le monde, il est vrai; mais il ne fallait pour cela rien moins qu'une révolution française. C'est elle-même qui a pu imaginer, pour la première fois, de faire entrer l'amour et la haine dans ce qu'il lui plaît d'appeler des lois; de prescrire légalement des sermens d'amour et de haine, comme s'il y avait des lois et des sermens pour les affections du cœur, essentiellement libres et indépendantes; de faire un délit de l'égoïsme, comme si un vice était un délit, comme s'il y avait des juges d'un vice, ou qu'une loi pût commander le désintéressement; de punir l'incivisme, comme s'il était possible qu'une loi caractérisât ce qui est civique ou incivique. Mais qu'est-ce que cela prouve? Qu'il fallait que la tyrannie, en voulant se faire législatrice, créât des délits arbitraires pour une oppression arbitraire. N'est-ce pas elle aussi qui a fait entrer, pour la première fois, dans la législation le mot de vertu ? Il appartient exclusivement à la morale, mais il est à l'usage du charlatanisme, qui devait s'emparer du mot de vertu, quand pour la première fois le crime a été législateur.

Les lois positives exclues, qui donc se fera l'ar

bitre de la conscience d'autrui? La raison, nous dira encore Diderot avec tous ses philosophes; et de là aussi, et d'après eux, la haute et très-haute extravagance de ceux qui ont prétendu très-sérieusement gouverner les peuples par la raison, comme si la raison d'un livre était la même chose que la raison d'un peuple 1. On a vu ce qu'elle était dans la France révolutionnée ; et je ne manquerai jamais ces applications, pour faire bien sentir que toutes les erreurs se tiennent, comme toutes les vérités.

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1 Voltaire, dans Candide, fait violer une femme par un matelot, sur les débris de Lisbonne, renversée par un tremblement de terre ; et le philosophe Pangloss dit au mate, lot : « Mon ami... vous manquez à la raison universelle, » vous prenez mal votre temps. » Le matelot répond « Tête et sang! je suis matelot, et né à Batavia. J'ai mar>>ché trois fois sur le crucifix dans trois voyages au Japon, » Tu as bien trouvé ton homme avec ta raison univer» selle! » Aux termes près, c'est ce que répondra la passion dans tout homme à qui l'on n'opposera que la raison; et il n'est pas malheureux que ce soit un philosophe même qui nous en fournisse un exemple. Mais en même temps il est bien singulier que ce soit un philosophe, un historien, qui adopte ce conte populaire du crucifix foulé aux pieds, dont tous les gens instruits connaissent la fausseté. Il y a une bonne raison pour que la chose në puisse pas être, c'est qu'on sait que les Hollandais ne peuvent pas mettre pied à terre au Japon. Le commerce se fait dans la petite île de Disma, au milieu du port, avec les précautions les plus humiliantes de la part des Japonais, mais sans que la religion y entre pour rien.

Reste, dans la thèse incontestable de Diderot, l'intérêt de pratiquer la vertu ; et tout le monde sait ce que nos philosophes ont répété là-dessus, d'après tout le monde, sur les inconvéniens du vice et les avantages de la vertu, et ce qui avait été dit mille fois mieux par les moralistes et les prédicateurs chrétiens. Mais si cet enseignement est très-conséquent dans ceux-ci, et même pour ce monde, il est très-gratuit pour ceux qui ne reconnaissent pas le Dieu de ce monde et de l'autre ; et, quoiqu'il ne soit point faux en lui-même, puisqu'en effet la vertu est bonne en elle-même, et le vice en lui-même mauvais, cet enseignement n'en est pas moins nul dans la bouche des athées, parce qu'il n'est qu'une pétition de principe dans un système où il ne peut réellement y avoir ni vice ni vertu. Ainsi donc je leur réponds d'abord que ce prétendu intérét dont ils parlent n'est point une sanction, quand même il pourrait s'accorder avec leur doctrine, attendu qu'un intérêt quelconque est un motif et non pas une sanction; qu'une sanction est invariable et imprescriptible, la même en tout temps et pour tous, au lieu qu'un intérêt et un motif varient à l'infini, suivant les caractères, les affections, les circonstances, les lumières, etc. Vous en voyez la preuve dans les lois positives et dans la société; la crainte du châtiment ou du mépris, ces deux grands mobiles que vantent les athées, sont d'une insuffisance at

testée à tout moment, puisque rien n'est plus commun que d'échapper à l'un ou à l'autre, ou en réalité ou en espérance (ce qui revient ici au même pour l'effet), ou de braver tous les deux. Mais ce qu'il y a ici de plus terrible contre nos adversaires et contre leur intérêt, et leur chátiment et leur mépris, contre tous les moyens qu'ils veulent substituer à la sanction divine, et dont ils prétendent si mal à propos faire une autre sanction, c'est l'impossibilité où ils seront à jamais de répliquer un seul mot à tout fripon, à tout scélérat qui aura un peu de logique, et qui opposera les élémens de leur doctrine à la futilité ou à l'hypocrisie de leur morale. Je vais le mettre aux prises avec eux, et vous jugerez s'ils peuvent s'en tirer. Que me voulez-vous? Vous êtes des philosophes, n'est-ce pas ? et moi aussi. Nous ne devons » donc pas nous servir de mots vides de sens. Que » sommes-nous, vous et moi? Des machines orga»> nisées, on ne sait par qui et comment, qui se » meuvent aujourd'hui, et cesseront demain de » se mouvoir; en un mot, des parties d'un grand » tout que nous ne connaissons pas plus que nous >> ne nous connaissons nous-mêmes. C'est là votre philosophie, et c'est aussi la mienne. Il s'en>> suit assurément qu'en má qualité de machine organisée je ne dois rien à personne, comme » personne ne me doit rien; car qu'est-ce que des » machines peuvent se devoir réciproquement?

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