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par-tout le charme de notre vie. Fussions-nous incapables d'atteindre par nous-mêmes à un plaisir si noble et d'en goûter toutes les douceurs, encore devrions-nous l'admirer dans les autres.»

Après avoir lu ce bel éloge des lettres, on ne doit pas être surpris que son auteur ait eu une vive passion pour les livres. De l'amour des lettres à l'amour des livres, la transition est naturelle. Aussi voyons-nous Cicéron revenir très souvent sur cet objet dans ses ouvrages, mais particulièrement dans sa correspondance avec son ami Pomponius, qui, demeurant à Athènes, s'étoit chargé de ses acquisitions en statues, tableaux et livres, dans cette ville encore célèbre à cette époque (1): «Ayez soin, je vous prie, lui écrit

(1) « Tu velim (lib. I, ad Atticum, epis. 3), ea quæ nobis emisse et parasse scribis, des operam ut quamprimum habeamus : et velim cogites, id quod mihi pollicitus es, quemadmodum bibliothecam nobis conficere possis. Omnem spem delectationis nostræ, quám, cùm in otium venerimus, habere volumus, in tua humanitate positam habemus. Et ailleurs (epist. 6): Bibliothecam tuam cave cuiquam despondeas, quamvis acrem amatorem inveneris: nam ego omnes meas vindemiolas eo reservo, ut illud subsidium senectuti parem. Plus loin (epist. 9): Libros tuos conserva; et noli desperare eos me meos facere posse. Quod si assequor, supero Crassum divitiis, atque omnium vicos et prata contemno. Dans un autre endroit (epist. 20): L. Papirius Pætus, vir bonus, amatorque noster, mihi libros eos, quos Ser. Claudius reliquit, donavit...................Si me amas, si te à me amari scis, enitere per amicos, clientes, hospites, libertos deħique, ac servos tuos ut scheda ne qua depereat. Nam et græcis his libris

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Cicéron, de m'envoyer le plutôt possible les objets que vous me mandez avoir achetés et rassemblés pour moi. Songez surtout, comme vous me l'avez promis, à me composer une bibliothèque. Je compte sur vos soins obligeans pour me procurer le plaisir dont je jouirai quand j'aurai quelques momens de loisir. Ne traitez avec personne de votre bibliothèque, quelque haut prix que l'on vous en offre ; car je destine toutes mes petites épargnes à me procurer cette ressource dans ma vieillesse. Conservez-moi vos livres et ne désespérez pas que je ne puisse un jour en faire l'acquisition. Si j'en viens à bout, je me croirai plus riche que Crassus; et toutes les maisons de campagne, toutes les terres ne seront

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quos suspicor, et latinis quos scio illum reliquisse, mihi vehementer opus est. Ego autem quotidiè magis, quod mihi de forensi labore temporis datur, in his studiis conquiesco. Per mihi, per, inquam, gratum feceris, si in hoc tam diligens fueris, quam soles in his rebus, quas me valde velle arbitraris. Ailleurs (lib. IV, epist. 4): Perbellè feceris si ad nos veneris : offendes designationem Tyrannionis mirificam in librorum meorum bibliothecâ ; quorum reliquiæ (après son exil ) multò meliores sunt quam putaram. Et velim mihi mittas de tuis librariolis duos aliquos, quibus Tyrannio utatur glutinatoribus, ad cætera administris, iisque imperes, ut sumant membranulam, ex qua indices fiant, quos vos Græci, ut opinor, syllabous appellatis; sed hæc si tibi erit commodum. — Un peu plus loin (epist. 8): Postea verò quàm Tyrannio mihi libros disposuit, mens addita videtur meis ædibus : qua quidem in re mirifica opera Dionysii et Menophili tui fait. Nihil venustius quam illa tua pegiata : postquam sillybis libros illustrarunt valdè. »

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rien pour moi auprès de ce trésor.-L. Papirius Petus, honnête homme de mes amis, m'a fait présent des livres que S. Claudius lui a laissés... si vous m'aimez, si vous croyez que je vous aime, engagez, je vous prie, vos amis, vos cliens, vos hôtes, vos affranchis enfin, et vos esclaves à surveiller de manière à ce qu'il ne s'en perde pas un feuillet. J'ai le plus grand besoin des livres grecs que j'espère y trouver, et des latins que je sais y être. Tout le temps que me laissent les affaires du barreau, je l'emploie à me délasser au milieu de mes livres. Vous me ferez le plus sensible plaisir, si vous apportez à cette affaire tout le soin que vous avez coutume de donner à ce que j'ai le plus à cœur. - Vous ferez très bien de venir

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me voir. Vous serez content du bel ordre dans lequel Tyrannion a disposé ma bibliothèque, dont les restes (elle avoit été pillée pendant son exil) valent beaucoup mieux que je ne m'y attendois. En attendant, je vous prie de m'envoyer deux de vos ouvriers en livres (ce que sont nos relieurs maintenant), qui, sous l'inspection de Tyrannion, colleront les miens et y feront tout ce qui est de leur ressort. Vous leur direz de se pourvoir de ce parchemin fin dont on se sert pour écrire les titres, et que vous autres Grecs, appelez, je crois, syllabous; mais tout cela à votre commodité. Depuis que Tyrannion a arrangé ma bi

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bliothèque, je la regarde comme l'ame de ma maison. Dionysius et Menophilus (les deux ouvriers mentionnés ci-dessus) ont parfaitement réussi. La propreté avec laquelle ils ont couvert mes livres, et la disposition des cases (sur les rayons) que vous avez imaginées, font un effet très agréable, etc., etc. (1) »

(1) Les bibliothèques des Romains étoient disposées à-peu-près comme le sont actuellement les boutiques de marchands de papiers de tenture; mais les rayons, divisés par cases, capsæ ou foruli, étoient enfermés dans des armoires, et même, dans les derniers temps, sans doute sous des vitraux, si l'on en croit Boece, dans son livre De la Consolation. Il prétend que les murs étoient couverts d'ivoire: il veut sans doute dire les tablettes ou les armoires, comme nous le verrons bientôt dans Sénèque. On lit dans Isidore que les plus habiles architectes ne pensoient pas que l'on dût décorer les bibliothèques de lambris dorés, ni les parqueter autrement qu'en marbre de Caristo, parce que l'éclat de l'or éblouit, au lieu que le beau vert de ce marbre repose agréablement la vue. On glissoit les volumes ( volumina de volvere) ou rouleaux dans les cases. Chaque volume étoit composé d'une ou de plusieurs feuilles (vingt au plus) collées ensemble, et roulées autour d'un bâton nommé cylindrus, ou bacillus, ou surculus, dont les extrémités ou boutons, bullæ, étoient appelés umbilici ou cornua. Les deux côtés extérieurs des feuilles, ou les tranches, se nommoient frontes, et les extrémités du bâton étoient ordinairement décorées de morceaux d'ivoire, quelquefois enrichis d'or et de pierres précieuses. C'est sur ces extrémités que l'on mettoit le titre de l'ouvrage, sans doute le syllabous des Grecs. Les feuillets qui composoient les volumes se nommoient pages, paginæ, du mot pangere, lier ensemble; comme le mot tome vient du Grec tomos de temné, couper, diviser, c'est-à-dire, section, partie d'ouvrage.

Dans chaque bibliothèque il y avoit un ou plusieurs scrinium. C'étoit une espèce de boîte ronde ‚ressemblant assez à nos étuis de

Nous ne finirions point, si nous voulions, non pas rapporter, mais seulement indiquer tous les passages des ouvrages de Cicéron qui attestent son goût pour les livres. Cette louable passion étoit bien partagée par les Lucullus, les Caton, les Pollion, les Varron, les Sénèque, les Pline (1), etc., etc., et même elle étoit devenue par la suite assez commune, puisque chez un simple parti

manchon, ou plutôt à la mesure en bois que l'on nomme maintenant boisseau. Elle servoit à mettre les volumes ou rouleaux que l'on vouloit avoir près de soi, lorsqu'on travailloit ou que l'on désiroit varier ses lectures sans se déranger. Les écoliers avoient aussi leur scrinium pour porter leurs livres en classe; mais il étoit de plus petite dimension, et on l'appeloit plus volontiers capsa, d'où le nom de capsarius donné à l'esclave chargé de les conduire chez leurs maîtres. On voit des figures de scrinium dans les peintures d'Herculanum, tom. II, pl. 2, et dans la Galerie mythol. de M. Millin, n.o 65. Ces boîtes et autres de même forme ayant été destinées à mettre des parfums et des bijous, on a fait de scrinium le mot écrin.

(1) Lucullus, par suite de ses victoires dans le Pont, tira de ce royaume un nombre considérable de livres, comme PaulÉmile en avoit tiré de Persée, roi de Madécoine, après l'avoir vaincu, et Sylla, d'Athènes, après la prise de la ville. Lucullus, outre cela, s'en procura encore un très grand nombre; aussi sa bibliothèque, dont nous parlons tom. I, pag. 54, étoit très renommée à Rome.

Le Caton dont il est ici question, est celui dont Cicéron ( de Finibus etc., lib. III, 7) dit : « Il avoit une telle avidité pour la lecture, que, sans craindre la vaine critique du vulgaire, il lisoit souvent au Palais, pendant que le Sénat s'assembloit. Je le trouvai un jour dans la bibliothèque du jeune Lucullus, à la cam, pagne, environné d'une foule de livres de l'école des Stoïciens. C'est dans ce moment de loisir et parmi tous ces volumes qu'il

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