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forces coopératrices groupées autour de lui, tenant compte de tout, pourvoyant à tout, jusqu'au jour où l'État du Congo apparut rayonnant à tous les yeux, ayant à sa tête son auteur et son Souverain.

On se figure parfois que l'État du Congo n'a de vie que comme une création de la Conférence de Berlin, Ce point de vue n'est pas exact. Certes, l'État n'a pas perdu le souvenir des sympathies et des concours qui lui ont été ménagés sur une route fatalement laborieuse. Pourtant, loin d'être une émanation de la collectivité des puissances, l'État du Congo a le caractère d'une création personnelle et même, si l'on peut parler ainsi, personnalissime. Il ne paraît pas possible, au point de vue juridique, de transformer les appuis bienveillants prêtés par la politique en échecs à la souveraineté. Il n'est pas sans importance de faire observer ici que les questions de souveraineté et de territoire, c'est-à-dire précisément celles qui sont essentielles à la constitution des États, ont été, d'une manière expresse, éliminées du programme de la Conférence, celle-ci n'ayant été appelée qu'à élaborer un régime économique régional, abstraction faite des droits

souverains sur les contrées englobées dans ce rayon territorial. Il y a lieu de rappeler encore que dès avant la signature de l'instrument diplomatique de Berlin, l'État nouveau existait si bien qu'il a lui-même notifié à la Conférence la reconnaissance dont il avait été l'objet de la part de toutes les puissances — sauf une, qui devait bientôt suivre les autres. La circonstance que le prince de Bismarck a pris comme par la main le jeune État pour le présenter à

l'assemblée des nations civilisées réunies à Berlin, est certes particulièrement honorable pour cet État. Elle a nimbé son berceau de la plus brillante auréole. Si elle a paru éclipser par son éclat les faits antérieurs, elle ne les a pourtant pas supprimés et ne pouvait juridiquement les détruire.

Il ne faut pas confondre d'ailleurs le fait de la reconnaissance d'un État avec le fait de son existence. Les éléments déterminateurs de l'un et de l'autre fait ne s'identifient point. C'est ordinairement à eux-mêmes que les États doivent leur existence. Cette existence n'est pas toujours un fait simple. Elle peut se manifester par une série de faits qui, à un moment donné, révèlent à suffisance

l'avènement à la vie juridique d'un État

nouveau.

On a essayé, il est vrai, de soutenir qu'un État ne pouvait émerger d'une association privée. Mais le roi Léopold a tranché la controverse par le fait, comme ce philosophe qui prouvait le mouvement en marchant. La thèse était d'ailleurs historiquement controuvée et juridiquement insoutenable. Comment prétendre que des populations barbares vivant sur un territoire vierge, à l'état d'isolement ou d'anarchie, ne puissent être élevées par des organes civilisés qui les informent politiquement, et qui combinent les éléments de leur état rudimentaire, à un degré de vie sociale supérieure où apparaisse un véritable État? Comment supposer qu'elles ne puissent l'être que par voie d'incorporation ou d'engloutissement dans des États existants monopolisant à ce point l'évolution progressive de l'humanité, alors qu'eux-mêmes ont peut-être connu initialement un genre de formation similaire à celui qu'ils prétendraient ne plus admettre?

Et si l'on se place dans l'hypothèse, non plus de populations vivant à l'état isolé ou

anarchique, mais de tribus indépendantes sous des chefs souverains, comment admettre que la souveraineté plus ou moins organisée en elles soit intransmissible, ou que des souverainetés locales ne puissent converger et se condenser en une souveraineté plus haute?

Ce qui est vrai en principe, c'est que l'État est une institution qui, ainsi que toute autre, a son essence propre sans laquelle on ne le conçoit point. Il suppose la réunion de ces trois éléments: un territoire, une population groupée dans l'ordre de la vie publique, un gouvernement effectif régulateur en chef de cette vie.

Et ce qui est avéré en fait, c'est qu'à un moment qui précède d'assez longtemps la Conférence de Berlin, ces éléments se sont trouvés réunis dans les environs du StanleyPool, en une mesure suffisante pour accuser l'existence d'un État ayant des titres possessoires de souveraineté aussi réguliers que ceux de toute autre puissance dans les mêmes parages, et mettant même en œuvre des moyens d'occupation et de jonction plus effectifs, grâce à l'immense réseau fluvial qui servait de véhicule à son autorité.

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LA FORMATION EFFECTIVE DE L'ÉTAT.
SES MOMENTS CARACTÉRISTIQUES.

Le fait que nous venons de signaler ne paraît pas contestable. Le pourquoi et le comment sont d'un aspect plus complexe, encore qu'ils ne soient pas trop difficiles à démêler.

Nous avons vu au prix de quels sacrifices le Comité belge de l'Association internationale, sous l'impulsion du Roi, était parvenu à diriger de la côte orientale vers le Tanganika six expéditions successives. Les résultats demeuraient aussi précaires qu'ils avaient été laborieux. L'apparition de Stanley à Boma, le 9 avril 1877, après une exploration de trois ans, durant laquelle il avait décrit sa vaste courbe au sein de l'Afrique équatoriale, fut sensationnelle pour tous. Elle fut révélatrice pour le Roi. Un croquis de la traversée stanleyenne du continent noir, paru dans le Daily Telegraph du 12 novembre, était fort suggestif. L'Afrique centrale avait sur un réseau fluvial merveilleux « son chemin qui marche », véhicule

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